samedi 20 octobre 2007

Shinkolobwe : et si finalement c'était les Chinois ?

Shinkolobwe : et si finalement c'était les Chinois ?

Ce blog avait attiré votre attention il y a quelque temps sur la mine d'uranium de Shinkolobwe en République Démocratique du Congo et les diverses tribulations de son exploitation. Vous vous souvenez que la société britannique Brinkley Mining avait signé en juillet dernier le contrat visant à la fois l'exploitation de la mine mais aussi la sécurisation de la mine et des exportations d'uranium et autres matières radioactives (cobalt notamment).

Patatras, le contrat entre la RDC et Brinkley vient d'être brutalement remis en cause il y a quelques jours (RDC1.pdf) ! Au même moment, le gouvernement congolais annonçait la conclusion d'un prêt de cinq milliards de dollars avec la Chine pour rénover ses infrastructures sanitaires, éducatives, de tranport et minières. La Chine souhaite être notamment remboursée en titres miniers, titres dont la RDC regorge...

Y-a-t-il un lien de cause à effet entre l'éviction de la Brinkley de Shinkolobwe et l'arrivée de la Chine en RDC : aux lecteurs de ce blog de se faire une opinion et peut-être d'apporter d'autres éléments d'appréciation ?
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Depuis quelques années, l'économie chinoise est devenue importatrice nette de pétrole, gaz et autres minerais, afin d'alimenter sa croissance soutenue et ses énormes besoins énergétiques, à la mesure du pays. On a beaucoup commenté et glosé sur le rôle de la Chine dans la tragédie du Darfour (soutien au gouvernement soudanais en échange de permis d'exploitation pétrolière) – les Chinois sont-ils les premiers dans ce genre de diplomatie ?, mais il n'y a pas que le pétrole dont la Chine a grandement besoin pour sa sécurité énergétique.

La Chine a aussi faim d'uranium, comme l'atteste officiellement le 11ième plan chinois pour l'industrie nucléaire. Celui-ci fournit deux données fondamentales pour qui veut comprendre l'avenir du nucléaire en Chine et l'impact structurant de la demande chinoise sur le marché de l'uranium pour les 20 prochaines années :

- la part du nucléaire dans l'équation énergétique chinoise devra passer de 0.7 GW (gigawatts), le niveau de 2004, à 12 GW en 2010 et 40 GW en 2020 ! Concrétement, cela veut dire que la Chine va devoir construire une moyenne de trois réacteurs nucléaires par an d'ici 2020 pour atteindre les 40 GW ! Les industriels du secteur se frottent déjà les mains pour cet énorme marché (à noter la prochaine signature du contrat de vente de deux réacteurs EPR de 1.6 GW par Areva...);

- qui dit réacteurs dit uranium pour alimenter ceux-ci...par conséquent, les planificateurs chinois ont calculé que la Chine aurait besoin de 4 fois plus d'uranium que les niveaux actuels. Il faut savoir qu'un réacteur de 1 GW consomme en moyenne 600 tonnes d'uranium la première année puis 200 tonnes par an (on recharge le réacteur avec du combustible frais à raison du tiers tous les ans).

Etant donné que les ressources en uranium sur le territoire chinois sont très faibles (à peine 1 % des réserves mondiales), on commence à entrevoir toutes les manoeuvres que va devoir déployer la Chine pour accéder aux sources d'approvisionnement dans le monde, et singulièrement en Afrique (voir à ce sujet la note sur la redistribution des cartes de l'uranium au Niger).

Pour arriver aux objectifs fixés par le plan, les autorités chinoises ont décidé, suite aux suggestions de la Commission à la science et technologie et à l'industrie pour la défense nationale de constituer un « stock stratégique », afin de sécuriser au maximum l'approvisionnement des centrales nucléaires chinoises. Cette réserve stratégique sera la troisième du genre en Chine, après les réserves de pétrole et de grain.

Pour constituer ce stock stratégique, la découverte et l'exploitation de nouvelles mines d'uranium est une priorité, on l'a bien compris. D'abord, exploration en Chine même : région autonome du Xinjiang, aux confins du Tibet (on comprend d'autant mieux à cette aune la répression des mouvements autonomistes ouighours...) et Mongolie intérieure (bassin de l'Ordos notamment). Ensuite, demande de permis d'exploration chez les proches voisins de la Chine, notamment le Kazakhstan, troisième possesseur d'uranium au monde, et pourquoi pas la Corée du nord (les retombées du plan de dénucléarisation de la péninsule coréenne seront à suivre de près de ce point de vue...). Enfin, la Chine cherche à conclure des contrats d'approvisionnements à long terme avec l'Australie (je reviendrais sur ce point dans un proche avenir, car ceci montre les relations étroites entre commerce de l'uranium et politique de non-prolifération nucléaire) et surtout l'Afrique : pour l'instant le Niger et peut-être pourquoi pas Shinkolobwe en RDC ! CQFD ?

Je ne m'étends pas plus longtemps sur les conditions – rocambolesques – de l'éviction de Brinkley de la RDC. Le langage officiel est le suivant : le gouvernement congolais a lancé cet été une revue de tous les contrats miniers conclu entre 1995 et 2003 (une soixantaine au total) pour vérifier leur régularité et leur apport réel à l'économie congolaise (douce métaphore du pillage des ressources naturelles congolaises...).RDC3.pdf

Brinkley aurait ainsi perdu son contrat de Shinkolobwe car la société aurait bénéficié des activités « d'intermédiation » d'un « courtier minier » cité dans plusieurs rapports de l'ONU sur les violations de l'embargo sur les armes en RDC ou au Libéria...RDC2.pdf

Glissons donc rapidement sur les conditions d'élaboration du contrat......et concentrons-nous sur les possibles visées de la Chine sur le gisement d'uranium de Shinkolobwe.

Les lecteurs se souviendront certainement que ce gisement est très riche, à la fois en terme de réserves et en terme de teneur (=pourcentage d'uranium par kilo de minerai extrait). De plus, ce gisement n'est pour l'instant exploité – de manière industrielle et autorisée...- par personne et l'on peut dire sans trop se tromper que les infrastructures d'exploitation minière sont dans un état de délabrement avancé depuis la fermeture officielle de la mine en 1960, à la veille de l'indépendance de ce qui fut le Congo belge (voir la note précédente sur Shinkolobwe).

Shinkolobwe est donc – de nouveau ! - une mine à conquérir et à investir : Brinkley s'y est manifestement cassée les dents pour d'obscures raisons, la Chine va-t-elle réussir à s'implanter et exploiter l'uranium de cette mine ?

Le prêt chinois envers la RDC comporte une partie à rembourser en nature, en titres miniers principalement...bien entendu, les termes du contrat sont vagues (au moins pour le rédacteur de ce blog...) mais si les Chinois sont cohérents avec leur besoin de constituer un stock stratégique d'uranium d'ici 2020, le gisement de Shinkolobwe pourrait logiquement y contribuer.

Attendons donc la prochaine information venant démontrer cette hypothèse de main-mise chinoise sur Shinkolobwe...un internaute voudra-t-il se dévouer pour la fournir aux lecteurs de ce blog ?

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lundi 8 octobre 2007

Le général rebelle congolais Laurent Nkunda rompt la trêve!

KINSHASA (Reuters) - Le général rebelle congolais Laurent Nkunda annonce la révocation d'une trêve en vigueur depuis un mois dans la province de Nord-Kivu, en raison de ce qu'il a présenté comme des attaques répétées de l'armée gouvernementale.

"Il n'y a plus de trêve (...). Le gouvernement continue à nous attaquer (...). Nous nous sommes dits que nous n'allions pas rester les bras croisés pendant que des gens meurent. Nous devons réagir. Nous sommes des soldats", a déclaré Nkunda, contacté au téléphone par Reuters.


Cette annonce augure de nouveaux conflits et drames humanitaires au Nord-Kivu, foyer de tensions ethniques et d'affrontements entre l'armée régulière et des groupes de miliciens et de rebelles.

Le ministre congolais de la Défense, Chikez Diemu, a accusé Nkunda de vouloir "balkaniser" le pays. "Il joue un jeu dangereux. Maintenant il nous pousse vers la guerre", a-t-il dit, avant d'ajouter: "On l'attrapera comme une souris dans le petit trou où il est."

Le ministre a ajouté que la RDC allait appliquer en conséquence les mesures sécuritaires convenues avec ses voisins des Grands Lacs, Ouganda, Rwanda et Burundi, sans donner de détails.

A la suite de combats dans l'est de la République démocratique du Congo en août et début septembre, la Monuc (Mission des Nations unies au Congo) avait annoncé le 6 septembre l'instauration d'une trêve limitée entre l'armée et les forces de Nkunda, qui est d'ethnie tutsie.

De nouveaux affrontements ont cependant éclaté entre les deux camps jeudi dernier et au cours du week-end et, selon des sources militaires, ils continuaient lundi dans plusieurs secteurs du Nord-Kivu.

Des combats ont eu lieu dans le Parc national de Virunga, l'un des plus anciens d'Afrique, contraignant les gardiens de la réserve à fuir et mettant de nouveau en danger la petite population de gorilles.

POURSUITE DES COMBATS

La Monuc, qui compte 17.000 soldats répartis dans l'ancienne colonie belge, a déclaré suivre de près l'évolution des combats.

"Des combats sont en cours dans le district de Masisi. Ils ont lieu dans trois secteurs, dont Karuba et Ngungu, où il y en avait déjà eu", a déclaré à Reuters un porte-parole de l'Onu, P.K. Tiwari.

Nkunda, qui a dirigé en 2004 une rébellion pour défendre les Tutsis du Nord-Kivu, accuse le gouvernement de Kinshasa et l'armée régulière de soutenir les rebelles hutus rwandais - ennemis traditionnels des Tutsis.

Les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR, en grande partie hutues) sont accusées d'implication dans le génocide de 1994, qui a fait 800.000 morts.

Mais le gouvernement du président Joseph Kabila dément soutenir les FDLR et a rencontré à plusieurs reprises des dirigeants d'Ouganda, du Rwanda et du Burundi pour évoquer les moyens de mettre fin au conflit dans le Nord-Kivu. Après avoir remporté les élections de l'an dernier, Kabila s'était engagé à pacifier l'est de la RDC, riche en ressources minérales.

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