lundi 24 décembre 2007

Afrique du Sud: le chant de guerre de Zuma n'est pas du goût de tous


POLOKWANE (AFP) — Certains le jugent idiot, d'autres inapproprié à l'Afrique du Sud post-apartheid, mais Jacob Zuma, nouveau patron du parti au pouvoir, n'a nulle envie de rayer des cartes son chant de ralliement guerrier, "Umshini Wami".

"Si vous effacez les chansons, vous effacez une partie de l'Histoire", a argué le tribun zoulou à propos de ce chant adopté par ses partisans pour l'accompagner depuis ses démêlés avec la justice jusqu'à la présidence de l'ANC.

"Umshini Wami" (Passe moi ma mitraillette, en zoulou) a été popularisé par le MK, branche armée du Congrès national africain (ANC) durant sa lutte contre le régime raciste, à laquelle Zuma a participé comme chef du renseignement.

Mais treize ans après le triomphe de l'ANC aux premières élections multiraciales, la minorité blanche n'est pas la seule à penser que ce chant devrait être relégué aux archives de l'Histoire. "La chanson avait un caractère militaire utile pendant la lutte contre l'apartheid et n'est plus d'actualité", a déclaré Andrew Mlangeni, vétéran d'Umkhonto we Sizwe (MK - La lance de la Nation, en xhosa et zoulou).

"Elle dit +Passe moi mon arme. Je vais combattre l'apartheid+. Contre qui on se bat maintenant? Contre son propre peuple? La lutte est finie et cette chanson ne doit plus être chantée", a ajouté Mlangeni qui, comme Zuma, a été emprisonné au célèbre bagne de Robben Island.

Afin de forger son unité, la nouvelle Afrique du Sud a adopté un hymne national hybride, qui inclut des couplets en cinq de ses onze langues officielles: zoulou, xhosa, afrikaans, sotho et anglais.

Mais alors qu'il était respectueusement, mais platement, entonné par les délégués de l'ANC, réunis cette semaine en congrès, l'atmosphère s'électrisait dès que les partisans de Zuma hurlaient à pleins poumons "Umshini Wami".

Les détracteurs de ce chant rejettent ses paroles, mais aussi le fait que les Zoulous, ethnie la plus nombreuse, l'aient choisi comme hymne officieux dans un pays où le tribalisme n'est pas politiquement correct.

Le ministre de la Défense, Mosiuoa "Terror" Lekota, qui a aussi critiqué les partisans de Zuma pour arborer des T-shirts avec le slogan "100% Zoulou", s'est attiré les foudres de certains en qualifiant d'"idiots" ceux qui le reprennent. Mais son collègue de la Culture, Pallo Jordan, estime que le chant ne sème pas nécessairement la discorde.

"Dans toute révolution, l'un des outils de mobilisation est la culture et la musique. Pourquoi devrions-nous y renoncer", a-t-il déclaré.

La polémique rappelle celle qui a entouré en 2006 le succès de "De La Rey", chanson en hommage à un général des guerres anglo-boer, repris par les Afrikaaners pour exprimer leur identité d'Africains blancs. Zuma, qui depuis peu tend la main à cette minorité autrefois au pouvoir, a estimé que les deux chansons rendaient hommage au patrimoine de leur communauté.

"Vous m'avez entendu défendre De La Rey. Il a été l'un des plus grands généraux qu'ait compté l'Afrique du Sud. Si les Afrikaners ne chantent pas De La Rey, qui d'autre chanteront-ils?", déclarait-il récemment. "Umshini Wami" a été aussi chanté à tue-tête par les partisans de Zuma en 2006 durant son procès pour viol, à l'issue duquel il a été acquitté, et lors de ses comparutions pour corruption, jusqu'à un non-lieu.

Zola Skweyiya, autre vétéran du MK aujourd'hui un gouvernement, explique que ce chant a été conçu pour développer la solidarité entre combattants de l'apartheid et qu'il a toujours sa raison d'être. "C'est un chant de solidarité, de rassemblement dans un but commun. Il fait partie de notre histoire et nous ne pouvons le balayer ainsi."

"Tout comme à l'église, chacun a son cantique préféré. L'ANC est une grande église."

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