Appel pour des Etats-Généraux de la décroissance équitable
Nous, militants issus de diverses mouvances politiques, syndicales, associatives réunis à Lyon le 05 mars 2005, lançons un appel pour construire les conditions de candidatures communes « pour une décroissance équitable » lors des élections présidentielles et législatives de 2007. Nous nous inspirons du modèle de la candidature lors des Présidentielles de 1974 qui soutenue par plus d’une centaine d’associations écologiques avait permis une prise de conscience collective des limites et des dangers du productivisme et avait débouché sur de nombreuses et durables initiatives politiques, sociales et culturelles en faveur d’une « nouvelle civilisation ». Cette échéance peut aider à faire émerger un vaste mouvement pour une « alternative-décroissance » ancré dans les luttes et les expérimentations concrètes de tous ceux qui résistent à la folie du Système.
Le succès actuel du mot d’ordre de la décroissance rend possible un rassemblement de tous ceux qui se reconnaissent dans la nécessité de rompre avec le productivisme et l’économisme dominants.
Ce système développementaliste conduit aujourd’hui à quatre grandes impasses historiques : une impasse physique (pollutions, réchauffement planétaire, épuisement des ressources naturelles, etc), une impasse sociale (explosion des inégalités entre les peuples et les individus, insécurité sociale), une impasse humaine (développement du mal-être et de ses pathologies, « crétinisation » de masse), une impasse politique (crise de la démocratie, renforcement du contrôle social et de la répression).
Notre responsabilité historique est considérable car si nous ne parvenons pas à inventer collectivement un autre futur qui repose avant tout sur un autre partage d’autres richesses nous laisserons les « Maîtres du monde » imposer aux peuples des solutions humainement inacceptables.
Nous appelons les mouvements et personnes qui se reconnaissent dans cet appel à s’organiser pour que nos idées soient présentes lors des élections de 2007 pour faire entendre une autre voix parce qu’aucune des forces politiques actuellement déclarées ne sera porteuse du refus de la croissance.
Nous devons êtres présents parce que nous sommes convaincus qu’il est nécessaire de travailler à l’articulation de ces trois moments de la résistance : individuelle, collective et politique. Nous devons offrir aux « Objecteurs de croissance », aux militants qui combattent la « MalBouffe », l’agression publicitaire, l’exploitation économique, l’insécurité sociale, les multiples formes de domination (sexisme, racisme, racisme anti-jeune ou anti-vieux), le démantèlement des services publics (etc...) un réel débouché politique.
Nous devons êtres présents aussi parce que bien que venant de filiations et de traditions différentes nous savons que le futur proche obligera chacun à évoluer pour inventer une autre hiérarchie de valeurs et parce que ce mot d’ordre de « décroissance équitable » est déjà porteur de ruptures.
Nous devons êtres présents pour rappeler que notre mode de vie n’est pas généralisable et que si tous les humains devaient consommer comme nous, il faudrait, au minimum, cinq autres planètes ; fort également du constat que 20 % des humains consomment 80 % des ressources, nous en conclurons que 80 % d’humains font une majorité capable d’imposer démocratiquement d’autres choix.
La « décroissance équitable » constitue un mouvement diversifié dont la grande nouveauté est d’accorder la même importance aux questions sociales, environnementales et politiques. Nous nous inscrivons dans la transmission des valeurs humanistes, émancipatrices et démocratiques. Mais nous voulons introduire une véritable rupture face à l’aveuglement des politiques traditionnelles de droite ou de gauche enfermées dans l’idée d’un monde sans limites. Nous n’entendons pas substituer à l’idéologie de la croissance un contre-système idéologique mais d’abord rétablir l’esprit critique face aux impasses de la société de croissance. Nous voulons réintroduire un véritable dissensus au sein des discours politiques, dissensus qui est la condition même d’un fonctionnement réellement démocratique de nos sociétés. La décroissance est aussi un moyen de conquête de la démocratie.
La campagne présidentielle à inventer ensemble doit être à la hauteur de cet enjeu historique.
La décroissance n’appartient à personne et doit être capable d’agréger divers courants d’idées.
Cette campagne sera nécessairement à plusieurs visages pour accueillir l’ensemble des sensibilités :
1) Le candidat (homme ou femme) sera le porte-parole de notre « plus grand commun dénominateur ». Il ne sera pas pour cette raison choisi parmi les chefs de file des courants politiques agrégés. Ce porte-parole sera avant tout un « empêcheur de développer en rond » : il devra donc systématiquement dénoncer les illusions et les « fausses bonnes » solutions comme le mensonge du « développement durable » qui cimente aujourd’hui la défense des intérêts dominants ou la recherche illusoire de solutions strictement techniques (voiture propre, recours au nucléaire, etc). Cette candidature sera l’occasion de saper l’imaginaire de nos sociétés développementalistes : il ne s’agira pas seulement d’en dénoncer avec force les conséquences pratiques dramatiques (développement des inégalités, de la misère culturelle, sociale, psychique, crise de la démocratie, etc) mais d’en faire également une critique philosophique, culturelle, psychologique et politique. Nous rappellerons que l’humanité ne peut progresser que si elle est capable de se poser des limites, ce qui suppose de tordre le cou aux fantasmes les plus régressifs comme le culte de la toute-puissance ou l’idée d’un monde sans limites que réveille la modernité et qu’exploite l’économisme. Nous opposerons à cet imaginaire marchand un autre imaginaire humain qui passe par d’autres rapports aux gens, aux biens, à l’espace et au temps (primauté des temps longs et lents). Nous refusons la réduction de l’humain à l’homo-economicus et à tout autre unidimensionnalité. Nous opposerons à la mondialisation la force de mots d’ordre simple comme la « relocalisation ».
2) Cette campagne à plusieurs visages permettra à l’ensemble des partenaires de développer ses propres thèmes à partir de sa propre culture notamment dans la perspective de notre « second tour » des présidentielles que sera, pour nous, l’organisation des élections législatives.
Cette campagne à plusieurs visages reposera sur un bouquet combinant plusieurs grands thèmes :
1) L’état écologique de la planète rend plus nécessaire que jamais une rupture avec le système. Mais ben que tous nos adversaires pratiquent un véritable autisme par rapport aux enjeux planétaires, nous ne devons pas succomber à une vision cauchemardesque totalement démobilisatrice. Nous devons rappeler que même en l’absence de blocage de notre civilisation par des contraintes naturelles, le passage à une société de « décroissance équitable » serait humainement souhaitable.
2) La « décroissance équitable » parce qu’elle suppose de faire mondialement mieux avec moins impose comme fondamental le choix de produire d’autres biens socialement plus utiles. La « décroissance équitable » n’est donc pas la décroissance de tout et pour tous. Les pauvres (pays ou personnes) sont les premières victimes de la crise actuelle (et des catastrophes à venir) et, à ce titre, sont aussi les premiers intéressés à une politique de la décroissance équitable. L’alternative n’est pas pour eux entre croissance et décroissance mais entre récession et décroissance.
3) La « décroissance équitable » est inséparable de l’invention d’autres pratiques politiques : parce quelle repose sur un autre partage d’autres richesses elle place la politique au sommet. La « décroissance équitable » est inséparable de la reconquête du politique et de la démocratie. Nous ne sommes pas porteur d’une vision passéiste ou nostalgique : nul n’âge d’or n’est derrière nous, même si nous remettons en cause la vision linéaire du « développement » et du « progrès ».
Nous appelons donc l’ensemble des citoyennes et des citoyens à signer et à faire signer cet appel
1) à participer aux actions que seront organisées dans la période à venir en faveur du mot d’ordre de la décroissance.
2) à engager au sein de nos mouvements et réseaux un grand débat pour créer les conditions de candidatures permettant d’agréger sous le mot d’ordre de « décroissance équitable » l’ensemble des forces qui se reconnaissent dans le rejet du productivisme et de la société de consommation.
3) à nous donner rendez-vous à Lyon à l’automne 2005 pour ériger cette ville en capitale de la Résistance contre l’idéologie « développementaliste » en y tenant les Etats généraux de la « décroissance équitable » avec l’ensemble des mouvements, réseaux et individus signataires. Ces Etats Généraux pourraient permettre de définir un projet pour une « décroissance équitable » qui servirait de base à l’élaboration de notre Charte pour les Présidentielles et les Législatives. Notre représentant sera choisi au plus tard en janvier 2006 par les organisations signataires de la Charte et par les délégués des comités locaux qui prolongeront la tenue des Etats généraux de Lyon.
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contact-presse : Paul Aries tel : 04 72 37 81 34
Libellés : décroissance, élection présidentielle, Paul Aries
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