Les commerçants Chinois à Casablanca
Au coeur du marché de gros de Casablanca, où s'approvisionnent la plupart des commerces du Maroc, l'existence prolifique de grossistes chinois, y faisant profil bas, suscite une crainte de représailles chez les commerçants locaux.
Il est 16 h, nous sommes à Derb Omar. C'est l'heure où le quartier commerçant de la métropole est pareil à un abri aménagé pour un essaim d'abeilles. Une ambiance de tohu-bohu et d'euphorie générale où il y a tout : voitures, camions, piétons, charrettes, porteurs, marchandises par terre, estafettes de police et bébés. Quiconque flâne dans le quartier de Derb Omar, est de plus en plus sûr de rencontrer sur son chemin des commerçants de type asiatique s'affairant autour de leurs étalages ou débattant au fond de leurs magasins du prix de tel ou tel produit avec un client.
C'est le cas de l'ancienne rue «Auvert» rebaptisée «Mohamed Ben Ahmed Lakrik» où l'on peut lire sur une banderole, en arabe, en français et même en chinois : «Centre chinois de commerces en gros». Ce sont des Chinois, les neveux de la légende des arts martiaux Bruce Lee, qui ont commencé depuis quelques années à prendre d'assaut l'un des poumons économiques de la métropole. De nombreux témoignages des propriétaires marocains dont les magasins jouxtent ceux des Chinois portent à croire que l'effectif de ces derniers s'accroît d'une année à l'autre depuis 2000. C'est ce que constate également Jamal, libraire installé depuis 23 ans déjà à Derb Omar. «Ces Chinois envahissent progressivement le marché de gros de la capitale économique. Ils gagnent du terrain. Et ils achètent ou louent des magasins voire de grands dépôts où ils stockent à tour de bras la marchandise, achalandant leurs produits sans crier gare», déclare-t-il, attristé.
A entendre de tels propos, l'on comprend très vite que les ventes de leurs magasins augmentent crescendo et qu'ils exercent une forte attraction auprès des clients. En effet, ils proposent diverses marchandises : des porte-clés, des tables, des réveils, des cartables, des cahiers, des objets de décoration, des chaussures, des vêtements, de la vaisselle .Ils affichent les prix du gros et du détail à 40% et parfois à 50% de moins que les prix que proposent les commerçants locaux.
A quelques mètres de notre libraire, un marchand d'accessoires, de fantaisie, bagues,bracelets, boucles d'oreilles, gourmettes, chaînettes dresse un constat similaire. Pour lui, ces Chinois sont en train de les briser. Que deviendrons-nous si tout ce beau monde va chez eux ? se demande-t-il en nous montrant la grande foule qui préfère les produits chinois.
Face à cette ruée des Chinois à Derb Omar, les opinions des commerçants voisins divergent. Pour certains, cette concurrence sera bénéfique. «Elle nous acculera à retrousser nos manches, à prendre en modèle leur dynamisme et à nous imprégner de leurs astuces commerciales», disent-ils. D'autres, au contraire, sont méfiants. Ils pensent que l'entrée des Chinois signera leur arrêt de mort. «Si on s'aligne sur leurs prix, on va droit à la dérive et si on maintient nos prix, notre clientèle nous boudera», affirme un commerçant inquiet. Les Chinois n'hésitent pas à augmenter les prix quand la demande est là. Une ménagère constate, non sans étonnement, que le prix d'un petit tapis est passé de 25 à 40 dh en quelques jours. Même constat chez un grossiste de plumeaux, qui a constaté que leur prix est passé de 3,30 à 5,00 dh puis à 10,00 dh l'unité.
Le marché regorge de magasins, de marchandises et de Chinois aussi. Le centre compte au total 27 magasins dont une bonne dizaine est actuellement occupée par ces nouveaux commerçants. Ces derniers emploient des jeunes Marocains qui informent la clientèle des prix, de la gamme et de l'utilité des produits. D'autant plus qu'il y a certains objets dont on ne connaît pas l'usage à première vue.
Ghita, une employée de 21 ans, dans un magasin chinois de Derb Omar, se dit contente d'y travailler. «Nous vendons des sandales, des cadres pour tableaux de peinture ou de grands portraits photo ainsi que de petits objets cadeaux», dit-elle en se déclarant très satisfaite du salaire que lui verse sa patronne. Il s'agit de Lin Xue Yun, Chinoise de 32 ans qui gère ce magasin. Elle ne parle pas anglais, pas bien le français et l'arabe lui est très difficile à comprendre. Une situation qui définit, avec éloquence, la principale difficulté de ses compatriotes à Casablanca. Cela fait seulement 4 mois qu'elle est ici. Elle a un fils de 11 ans qu'elle a laissé en Chine dans la province de Fujian. C'est très justement de cette province du sud-est de la Chine que viennent la plupart des grossistes chinois installés à Derb Omar et dont le nombre d'articles est incalculable.
Même en parlant arabe...
Les rares Chinois qui baragouinent quelques mots en arabe dialectal ou en français présentent un visage hermétique. En réalité, les Chinois ne sont pas si hermétiques qu'on le laisse entendre. Sinon, ils ne se seraient pas aventurés aussi pour s'adapter à un pays éloigné géographiquement et culturellement de leur pays malgré les diverses difficultés rencontrées. Mais, ils sonttrès réticents de sorte qu'il faut déployer des trésors de patience et de diplomatie pour gagner un tant soit peu leur confiance. On se souvient encore de ce jour où les magasins baissèrent rideaux l'un après l'autre à la vue d'une caméra des 2M venue filmer pour un reportage. «Lorsque l'équipe de télévision est repartie bredouille, elle a pu capter quelques visages de ces marchands mais sans leurs achalandages», nous rappelle, Youssef, 24 ans, qui assiste un Chinois dans son commerce.
Son patron, appelé Young Shoo, 28 ans, propose 600 articles à la vente dans son échoppe. Celui-ci a longtemps hésité avant d'accepter de nous accorder quelques minutes pour répondre à nos questions avec le peu de français hésitant et l'arabe qu'il a appris en deux ans. Il nous a appris qu'il a laissé sa femme et son fils au Fujian. Muni d'un visa en bonne et due forme, il a atterri à Casablanca. Cependant, son assistant marocain, Youssef,nous informe secrètement que son patron et ses compatriotes ne viennent pas directement de la Chine. Mais, ils font une escale de quelques mois au Kenya, au Sénégal ou en Mauritanie avant de jeter l'ancre à Casablanca. D'ailleurs, le choix de la ville, selon Shoo, est dû au fait qu'elle présente plusieurs attraits. «Elle est réputée capitale économique du Maroc, connue pour sa politique libérale en matière de commerce», explique Shoo d'une voix rassurante. De son côté, Youssef nous apprend que «tout est en règle pour lui, que ce soit à la douane ou pour ce qui est de ses papiers de résident étranger». C'est le cas de tous ces compatriotes, ils ont tous, leurs pièces d'identité et ce sont souvent des Marocains qui les aident pour toutes les démarches administratives.
Libération
Il est 16 h, nous sommes à Derb Omar. C'est l'heure où le quartier commerçant de la métropole est pareil à un abri aménagé pour un essaim d'abeilles. Une ambiance de tohu-bohu et d'euphorie générale où il y a tout : voitures, camions, piétons, charrettes, porteurs, marchandises par terre, estafettes de police et bébés. Quiconque flâne dans le quartier de Derb Omar, est de plus en plus sûr de rencontrer sur son chemin des commerçants de type asiatique s'affairant autour de leurs étalages ou débattant au fond de leurs magasins du prix de tel ou tel produit avec un client.
C'est le cas de l'ancienne rue «Auvert» rebaptisée «Mohamed Ben Ahmed Lakrik» où l'on peut lire sur une banderole, en arabe, en français et même en chinois : «Centre chinois de commerces en gros». Ce sont des Chinois, les neveux de la légende des arts martiaux Bruce Lee, qui ont commencé depuis quelques années à prendre d'assaut l'un des poumons économiques de la métropole. De nombreux témoignages des propriétaires marocains dont les magasins jouxtent ceux des Chinois portent à croire que l'effectif de ces derniers s'accroît d'une année à l'autre depuis 2000. C'est ce que constate également Jamal, libraire installé depuis 23 ans déjà à Derb Omar. «Ces Chinois envahissent progressivement le marché de gros de la capitale économique. Ils gagnent du terrain. Et ils achètent ou louent des magasins voire de grands dépôts où ils stockent à tour de bras la marchandise, achalandant leurs produits sans crier gare», déclare-t-il, attristé.
A entendre de tels propos, l'on comprend très vite que les ventes de leurs magasins augmentent crescendo et qu'ils exercent une forte attraction auprès des clients. En effet, ils proposent diverses marchandises : des porte-clés, des tables, des réveils, des cartables, des cahiers, des objets de décoration, des chaussures, des vêtements, de la vaisselle .Ils affichent les prix du gros et du détail à 40% et parfois à 50% de moins que les prix que proposent les commerçants locaux.
A quelques mètres de notre libraire, un marchand d'accessoires, de fantaisie, bagues,bracelets, boucles d'oreilles, gourmettes, chaînettes dresse un constat similaire. Pour lui, ces Chinois sont en train de les briser. Que deviendrons-nous si tout ce beau monde va chez eux ? se demande-t-il en nous montrant la grande foule qui préfère les produits chinois.
Face à cette ruée des Chinois à Derb Omar, les opinions des commerçants voisins divergent. Pour certains, cette concurrence sera bénéfique. «Elle nous acculera à retrousser nos manches, à prendre en modèle leur dynamisme et à nous imprégner de leurs astuces commerciales», disent-ils. D'autres, au contraire, sont méfiants. Ils pensent que l'entrée des Chinois signera leur arrêt de mort. «Si on s'aligne sur leurs prix, on va droit à la dérive et si on maintient nos prix, notre clientèle nous boudera», affirme un commerçant inquiet. Les Chinois n'hésitent pas à augmenter les prix quand la demande est là. Une ménagère constate, non sans étonnement, que le prix d'un petit tapis est passé de 25 à 40 dh en quelques jours. Même constat chez un grossiste de plumeaux, qui a constaté que leur prix est passé de 3,30 à 5,00 dh puis à 10,00 dh l'unité.
Le marché regorge de magasins, de marchandises et de Chinois aussi. Le centre compte au total 27 magasins dont une bonne dizaine est actuellement occupée par ces nouveaux commerçants. Ces derniers emploient des jeunes Marocains qui informent la clientèle des prix, de la gamme et de l'utilité des produits. D'autant plus qu'il y a certains objets dont on ne connaît pas l'usage à première vue.
Ghita, une employée de 21 ans, dans un magasin chinois de Derb Omar, se dit contente d'y travailler. «Nous vendons des sandales, des cadres pour tableaux de peinture ou de grands portraits photo ainsi que de petits objets cadeaux», dit-elle en se déclarant très satisfaite du salaire que lui verse sa patronne. Il s'agit de Lin Xue Yun, Chinoise de 32 ans qui gère ce magasin. Elle ne parle pas anglais, pas bien le français et l'arabe lui est très difficile à comprendre. Une situation qui définit, avec éloquence, la principale difficulté de ses compatriotes à Casablanca. Cela fait seulement 4 mois qu'elle est ici. Elle a un fils de 11 ans qu'elle a laissé en Chine dans la province de Fujian. C'est très justement de cette province du sud-est de la Chine que viennent la plupart des grossistes chinois installés à Derb Omar et dont le nombre d'articles est incalculable.
Même en parlant arabe...
Les rares Chinois qui baragouinent quelques mots en arabe dialectal ou en français présentent un visage hermétique. En réalité, les Chinois ne sont pas si hermétiques qu'on le laisse entendre. Sinon, ils ne se seraient pas aventurés aussi pour s'adapter à un pays éloigné géographiquement et culturellement de leur pays malgré les diverses difficultés rencontrées. Mais, ils sonttrès réticents de sorte qu'il faut déployer des trésors de patience et de diplomatie pour gagner un tant soit peu leur confiance. On se souvient encore de ce jour où les magasins baissèrent rideaux l'un après l'autre à la vue d'une caméra des 2M venue filmer pour un reportage. «Lorsque l'équipe de télévision est repartie bredouille, elle a pu capter quelques visages de ces marchands mais sans leurs achalandages», nous rappelle, Youssef, 24 ans, qui assiste un Chinois dans son commerce.
Son patron, appelé Young Shoo, 28 ans, propose 600 articles à la vente dans son échoppe. Celui-ci a longtemps hésité avant d'accepter de nous accorder quelques minutes pour répondre à nos questions avec le peu de français hésitant et l'arabe qu'il a appris en deux ans. Il nous a appris qu'il a laissé sa femme et son fils au Fujian. Muni d'un visa en bonne et due forme, il a atterri à Casablanca. Cependant, son assistant marocain, Youssef,nous informe secrètement que son patron et ses compatriotes ne viennent pas directement de la Chine. Mais, ils font une escale de quelques mois au Kenya, au Sénégal ou en Mauritanie avant de jeter l'ancre à Casablanca. D'ailleurs, le choix de la ville, selon Shoo, est dû au fait qu'elle présente plusieurs attraits. «Elle est réputée capitale économique du Maroc, connue pour sa politique libérale en matière de commerce», explique Shoo d'une voix rassurante. De son côté, Youssef nous apprend que «tout est en règle pour lui, que ce soit à la douane ou pour ce qui est de ses papiers de résident étranger». C'est le cas de tous ces compatriotes, ils ont tous, leurs pièces d'identité et ce sont souvent des Marocains qui les aident pour toutes les démarches administratives.
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